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Le commencement de bien vivre c'est de bien écouter.Plutarque
C'est un malentendu fréquent de considérer la connaissance de soi comme une pratique verbale ou intellectuelle. Au contraire, il s'agit d'une pratique qui n'a rien d'une théorie, mais qui engage tous les plans de l'être, sur le plan sensoriel, physique, émotionnel, intellectuel et, si ce mot peut être utilisé, sur le plan spirituel. Cette confusion provient du fait que la connaissance de soi peut donner lieu à la verbalisation de son processus, pour autant gardons-nous de confondre l'une et l'autre. La dimension descriptive de cette pratique ne la réduit pas à un discours. Il en va de même de bien des activités, par exemple le yoga, la danse, ou encore la musique et la peinture. L'enseignement de ces disciplines, bien que dans des cas particuliers il puisse se passer de mots ( on peut pratiquer une posture, un mouvement en le voyant pratiqué devant soi, ou reproduit en photographie ), dans la plupart des situations, le mot ou la description vont être utiles pour transmettre la pratique de ces domaines qui pourtant pointent tous vers un champ non verbal : une posture du corps, l'art de la respiration, le mouvement, ou la sonorité et le chant, les formes et les couleurs, les rythmes et les formes. De la même manière que l'on ne peut confondre la pédagogie qui a recourt aux mots avec la finalité d'un enseignement non verbal, ce serait une erreur fondamentale de réduire la connaissance de soi à son aspect descriptif. Dans ce cas aussi, et par excellence, lorsqu'ils sont utilisés, les mots visent à produire un état de conscience non verbal, à éveiller un processus non intellectuel ( si l'on entend ce mot comme l'expression ou la production d'idées, de théorie, etc. ).
Une difficulté spécifique réside toutefois dans ce domaine particulier : à l'inverse des domaines qui visent à produire des manifestations non verbales extériorisées et perceptibles par les sens de la vue, du toucher, de l'ouïe, et parfois par une combinaison sensorielle, la connaissance de soi ne vise pas à produire un signe extérieur particulier, elle ne se matérialise que dans l'intériorité de la conscience et ne possède pas une dimension extérieure aisément repérable, quoi qu'elle puisse être subtilement perceptible néanmoins. C'est pourquoi s'il ne viendrait à personne l'idée de confondre la pédagogie verbale de la peinture avec la peinture en tant que telle, dans le cas de la connaissance de soi, cette distinction est plus subtile car celle-ci ne produit pas d'objets extérieurs identifiables.
De la même manière, l'écoute qui est la voie de la connaissance de soi, n'est pas une activité mentale. La difficulté tient au fait que notre langage occidental ordinaire n'offre pas beaucoup de définition simple et claire de tout ce qui touche à la vie de l'esprit. Il est assez facile de se faire comprendre si l'on parle d'un pied, d'une jambe ou d'une main, de la forme ronde ou carrée, et si l'on s'adresse à des voyants non daltoniens, ce que sont les couleurs rouge ou verte. Mais la définition de la pensée, la conscience, l'esprit, le mental, etc. est plus nébuleuse. Généralement, une pratique clinique, un système philosophique, ou un enseignement spirituel se doit de définir le sens de ces mots, ou du moins certains d'entre eux.
Une distinction importante que nous devons garder à l'esprit, concerne le fait de vivre une situation sur le plan mental ou cérébral, ou bien de verbaliser une telle situation. Dans le premier cas, le vécu est filtré, vécu par le biais du cerveau, " bloqué " sur le plan mental, dans le second cas, il s'agit de rendre compte au moyen des mots d'un vécu qui peut être physique, sensoriel, etc.
Ces distinctions n'apparaissent clairement que pour qui les met en œuvre, en fait l'expérience pratique. C'est précisément ce en quoi consiste la connaissance de soi. Il s'agit d'une disposition d'une très grande réceptivité, non dirigée, non focalisée, associé à un travail du discernement. Strictement parlant, seul le discours qui n'est pas captif des mots peut pointer vers cet au-delà du verbal. C'est pourquoi, à un point donné, le silence et la parole ne se distinguent plus.
21 octobre 2015